Les thérapies thérapies cognitivo-comportementales expliquées par Mathieu Crotti, psychothérapeute à Aix-en-Provence.
Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) représentent l’application des principes de la psychologie scientifique à la psychothérapie.
Ce sont des thérapies largement étayée par de nombreuses publications scientifiques. Elles ont émergé dès les années 1950 aux Etats-Unis.
Elles font référence aux modèles issues des lois du conditionnement, des théories de l’apprentissage et du traitement de l’information. Il s’agit donc d’utiliser la méthode expérimentale pour comprendre et modifier les troubles psychologiques. Les TCC se veulent une approche rationnelle, rigoureuse et scientifique.
Il existe trois grandes vagues en TCC :
- la première qui est le comportementalisme,
- la deuxième qui est le cognitivisme
- et la troisième qui est largement basée sur la pleine conscience.
La troisième vague se distingue vraiment par ses postulats qui sont que l’individu ne souffre pas de ses pensées, de ses émotions, de ses comportements mais qu’il souffre de la relation qu’il entretient avec ces différents champs. Ainsi, le but des thérapies de la troisième vague n’est pas de modifier les pensées dysfonctionnelles comme le ferait une restructuration cognitive de deuxième vague.
C’est davantage de nouer une relation différente à ces pensées, apprendre à les voir, à les reconnaitre et à les laisser passer comme des nuages dans le ciel ou comme des feuilles le long d’une rivière. Dans cette vision des choses, les pensées ne sont pas des faits et s’acharner à vouloir les changer a un effet délétère puisque cela va les renforcer.
Le principe qui est au centre des thérapies comportementales et cognitives est la notion d’apprentissage.
C’est une notion fondamentale des TCC. Beaucoup des situations qui nous posent problème viennent du fait que nous n’avons pas appris à gérer certaines situations (du fait de notre éducation, de notre environnement), ou que la réaction que nous avons apprise est utilisée de façon inadaptée ou avec une fréquence trop faible ou trop haute. Par exemple, dans une situation où nous sommes débordés émotionnellement, nous pouvons avoir recours à des comportements addictifs comme le cannabis ou l’alcool. A court terme, il y a diminution de l'anxiété mais à moyen et long terme, le problème s'amplifie et nous entraine dans des cercles vicieux.
Si nous avions appris la méditation de pleine conscience, l’auto-hypnose ou la relaxation, peut-être que nous aurions pu désamorcer cette tension émotionnelle sans utiliser de comportements inappropriés.
La plupart des symptômes présents dans les troubles psychiatriques peuvent être causés ou maintenus par le biais de trois grands types de conditionnements : le conditionnement répondant, le conditionnement opérant ou le conditionnement social. Les grands auteurs qui ont démontré ces conditionnements sont Pavlov, Skinner et Bandura. Si vous souhaitez plus d’informations sur ces notions pointues, je vous invite à vous plonger dans des bouquins de thérapies cognitivo-comportementales.
Le travail psychothérapeutique en thérapie cognitivo-comportementales consiste à apprendre de nouvelles façons de faire face à des situations qui causent de la souffrance aux patients. Pour parvenir à ce résultat, les thérapies cognitivo-comportementales suivent un plan très rigoureux en quatre étapes :
1) Identification des réactions apprises et des pensées automatiques
Le thérapeute et le patient font un pas de côté pour voir « le pilotage automatique » en œuvre dans la vie du patient. Le pilotage automatique concerne les réactions spontanées, les pensées automatiques, les réactions émotionnelles récurrentes. L'analyse fonctionnelle synchronique et diachronique permettra d'en savoir plus sur la mise en place des éléments sus-cités.
2) Discussion des schémas cognitifs qui vont être apparaitre, ils sont généralement appris très tôt dans la vie de l’individu.
Les schémas cognitifs se caractérisent par des préjugés, des attitudes et des croyances irrationnels très ancrés dans l’esprit du patient. Ils vont impacter l’interprétation que donne le patient aux évènements, à la réalité. Pour plus d’informations, vous pouvez vous renseigner sur la thérapie des schémas de Young.
3) Recherche de solutions alternatives et de réactions adaptatives
On peut par exemple encore penser à entrer en pleine conscience plutôt que réagir instinctivement et violemment à une situation anxiogène. On prendra alors un espace de respiration donc une prise de recul qui permettra de générer des réponses plus adaptatives.
4) Mise en pratique in vivo de ces solutions.
Le patient va dans la vie réelle de tous les jours, dans son quotidien, mettre en œuvre les solutions proposées par son thérapeute et faire sa propre expérience du caractère bénéfique de ces solutions. Il va être dans un apprentissage qui peut soit d’abord passer par la visualisation soit qui va être in vivo c’est-à-dire en situation concrète.
Les thérapies cognitivo-comportementales impliquent la compréhension des comportements problèmes de l'individu, cela va passer par l’analyse des interactions entre les cognitions, les émotions, les sensations physiques et les comportements du patient.
En modifiant un élément de cette boucle, on modifie la boucle entière. Les TCC nécessitent un haut niveau de motivation de la part du patient puisque ce dernier devra avoir un rôle pro-actif dans le suivi psychothérapeutique.
Il lui sera demandé de faire des exercices, de noter des séquences de vie, d’apprendre de nouvelles compétences etc.
Les TCC sont également des thérapies d’exposition. Il existe plusieurs formes d’exposition.
Par exemple, l’exposition graduée permet d’atténuer la peur et de réaliser que celles-ci sont souvent inadaptées, excessives et irrationnelles.
On peut par exemple penser aux phobies ou aux troubles obsessionnels compulsifs où l’élément en question est violemment anxiogène pour le patient. L'idée va être d'exposer de façon progressive le patient à l'objet de sa peur pour que petit à petit, par effet d'habituation et d'extinction, l'anxiété diminue largement. Les séances d'exposition, pour être efficiente, devront être prolongées, répétées et rapprochées.
On va apprendre aux patients à remplacer des séquences comportementales pathologiques par des séquences comportementales adaptées.
Enonçons ici les principes généraux des thérapies comportementales et cognitives :
- Le thérapeute TCC va, avec le patient, définir des objectifs thérapeutiques : c’est une thérapie axée sur la résolution de problème. Elle permet aux patients de développer à long terme les compétences psychologiques et les habilités nécessaires. L’idée est donc d’apprendre des compétences et d’évoluer vers le changement.
- Ce sont des thérapies centrées sur le moment présent. Les TCC se centrent essentiellement sur l'ici et maintenant et sur les problèmes qui surviennent dans la vie de tous les jours. A la différence de certaines thérapies qui vont se focaliser sur des éléments advenus dans le passé.
- Les TCC avançent l'idée que le milieu façonne les réponses qu’émet l’organisme. Les relations individus-milieu peuvent cependant être modifiées favorablement par le sujet s'il intervient activement dans la boucle pensées-émotions-sensations-comportements-conséquences. Ces relations sont directement liées aux notions de conditionnement répondant, opérant et à l'apprentissage social.
- Les TCC se basent sur une dimension psychoéducative forte, on va largement informer le patient sur son trouble, ses spécificités, ses difficultés, sa psychopathologie et ses effets dans les différents domaines de sa vie.
- Les TCC amènent le patient vers l’entrainement à des compétences spécifiques. Elles favorisent la prescriptions de tâches, d'exercices à la maison dans le but de rendre le patient autonome et dans le but de lui apprendre à se gérer, se réguler, se soigner par lui-même. Ainsi, le patient pourra petit à petit fonctionner de manière plus adaptative par lui-même, il devient alors son propre thérapeute. Il va s'entrainer à poursuivre certaines comportements, il va pouvoir avoir un journal de bord, etc...
- Dans les deux premières vagues des TCC et surtout la deuxième, le psychologue travaille dans un cadre thérapeutique défini en vue de l’identification, de l’évaluation et de la transformation de certaines cognitions dysfonctionnelles par la recherche de pensées alternatives (par exemple dans les colonnes de Beck, un exercice cognitif). On va souvent voir apparaitre des distorsions cognitives qui colorent négativement les pensées des patients (le tout ou rien, la généralisation à outrance, le filtre, le rejet du positif, les conclusions hâtives, l'exagération, la dramatisation, la minimisation...). Par exemple, un étudiant qui a raté un examen va se dire "je suis nul", "je vais rater mon année", "c'est foutu" au lieu de se dire "j'ai raté cet examen et seulement cet examen, je pourrais avoir des bonnes notes aux autres épreuves".
- Les séances sont structurées et dépendent de modèles spécifiques pour chaque trouble. Chaque technique opératoire est choisie en fonction du cas particulier et des objectifs thérapeutiques. Elle est également choisie en fonction de la littérature scientifique et des meilleurs résultats thérapeutiques. Par exemple, pour la prévention des rechutes, il est désormais conseillé de suivre un programme MBCT (Mindfulness Based Cognitive Therapy ou thérapie cognitive basée sur la pleine conscience), ce dernier amène d'importants bénéfices dans cette problématique.
Les psychothérapeutes TCC favorisent un style relationnel particulier qui se différencie parfois nettement d'autres thérapies comme la psychanalyse ou les thérapies humanistes par exemple.
Le psychothérapeute TCC est actif et directif. Il intéragit et incite le patient à s'investir dans la psychothérapie. Il tente d'établir une relation empathique, bienveillante et compassionnel, en montrant son intérêt, sa curiosité, sa capacité à comprendre les problèmes et la souffrance du patient.
Le but de la relation étant la collaboration thérapeutique avec le patient pour parvenir petit à petit à des changements concrets.
Cette position du thérapeute peut être largement développée, notamment par la troisième vague des TCC c’est-à-dire par une pratique de la méditation de pleine conscience (attention focalisée, attention ouverte, exercices compassionnels). Cette dernière développe chez le psychothérapeute de nombreuses qualités thérapeutiques (empathie, compassion, alliance thérapeutique...)
Ainsi, les psychologues deviennent « des cordonniers bien chaussés » puisqu'ils pratiquent eux-même ce qu'ils enseignent à leurs patients. Les psychothérapeutes de la 3ème vague des TCC ont une connaissance expérientielle de ce qu'ils cherchent à transmettre. On pense par exemple ici aux instructeurs de méditation de pleine conscience qui ont une pratique régulière de la méditation pour pouvoir incarner la pratique elle-même.
Il existe différentes techniques dans les TCC, on peut citer :
- la restructuration cognitive,
- la désensibilisation systématique,
- le flooding,
- l’exposition graduée,
- l’exposition graduée in vivo avec prévention de la réponse,
- l’exposition aux sensations physiques,
- la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience,
- la thérapie comportementale dialectique
- et la thérapie d’acceptation et d’engagement.